


Renaissance des carillons de Baziège et Villefranche de Lauragais
    Depuis fort longtemps, les cloches font partie de la vie quotidienne des habitants 
    du Lauragais. A l'aube du troisième millénaire, les communes 
    de Baziège et Villefranche de Lauragais ont décidé de 
    restaurer leur clocher en les dotant de nouvelles cloches. Pierre Fabre nous 
    dresse tout d'abord un historique de ces instruments symboliques.

    Baziège 
    
Les cloches ne 
    sont pas nées avec la venue du christianisme. C'est un des plus vieux 
    instruments sonores que nous connaissons. Contemporaines de l'apparition de 
    la métallurgie, elles vont permettre aux hommes de communiquer.
    Les premiers chrétiens firent de la cloche un symbole d'appel et de 
    ralliement. Au début du Moyen-Age, les cloches sont apparues dans les 
    milieux monastiques. Elles ponctuaient les divers moments de la vie monacale. 
    C'est au temps de Charlemagne que l'église de chaque village se dote 
    de cloches pour appeler les fidèles aux offices.
    La mise au point du métal dont elles sont faites, l'airain, alliage 
    constitué par un mélange de cuivre (78%) et d'étain (22%), 
    les nouveaux procédés de fonte vont permettre leur multiplication 
    rapide mais aussi susciter bien des convoitises. Lors des invasions barbares 
    (Normands, Sarrasins), pendant les guerres féodales, les cloches, à 
    cause de leur précieux métal, vont souvent devenir butin de 
    guerre; elles pouvaient aussi tout simplement disparaître, fondues, 
    lors de l'incendie des églises comme ce fut le cas à Baziège, 
    lors de la chevauchée du Prince Noir (1355) en pleine Guerre de Cent 
    ans.
    Dans les bastides, créées au XIIème siècle, l'église 
    n'est plus au centre du village ; c'est la halle aux marchands qui lui ravit 
    ce lieu privilégié (le Beffroi de la Halle de Revel en est un 
    bon exemple local).
Dans les petits villages ou les bourgs plus anciens, le clocher, souvent central, va assumer le double rôle religieux et civil. Les cloches, en nombre variable selon l'importance économique de la population qui vit autour de l'église, vont être l'instrument privilégié de la communication : appel des fidèles, indication de l'heure par la sonnerie des angélus (puis plus tardivement par l'installation d'horloges), signal d'incendie, de décès, célébration d'évènements divers, convocation des membres aux assemblées villageoises, éloignement des orages
Baziège
Survol historique
    A Baziège, la cloche la plus ancienne datait de 1781 ; elle se nommait 
    Mireppoix. D'un diamètre de 51 cm et d'un poids de soixante kilos, 
    elle avait traversé l'époque troublée de la Révolution 
    pour arriver jusqu'à nous. On ne connaît pas le nombre de cloches 
    en place à cette époque-là, mais chaque fois qu'il fallait 
    réunir l'assemblée, ou plus tard la municipalité, c'était 
    toujours "au son de la cloche en la manière accoutumée 
    ". 
    En 1794, la jeune république est en guerre contre toute l'Europe ou 
    presque et les canons manquent. Un arrêté du 4 germinal An II 
    met en réquisition les cordes et les cloches des églises, ne 
    laissant dans chaque commune qu'une cloche, la cloche civique. Bientôt 
    les églises sont fermées au culte catholique et transformées 
    en "Temple de la Raison". La sonnerie des cloches (ou de celle qui 
    reste) est interdite.
    Le 14 messidor An VI, (le 2 juillet 1798), un orage menace. Vers six heures 
    du matin, comme la grêle commence à tomber, la cloche se met 
    à sonner. L'agent municipal se rend dans le clocher afin de reconnaître 
    les contrevenants : ce sont deux enfants envoyés par leurs parents. 
    On croyait encore alors, que les vibrations des sons produits par la sonnerie 
    des cloches avaient le pouvoir d'éloigner les nuages de grêle. 
    
    Après la signature du Concordat par Bonaparte et la restauration du 
    culte catholique, il semble que le clocher de Baziège ne fut pas regarni 
    de cloches. L'Empire eut d'autres priorités parmi lesquelles un besoin 
    énorme en pièces d'artillerie et par conséquent en bronze. 
    Les clochers de France attendront.
    Ce n'est que sous la Troisième République, à partir de 
    1877, que le carillon du clocher va naître. On fait appel à un 
    fondeur de la région, Dencausse de Tarbes. 
    En 1877, sont fondues, en premier, les plus grosses cloches : quatre dont 
    le diamètre est supérieur à 100 cm et leur poids compris 
    entre 1,2 et 1 tonne. Ensuite, trois autres sont installées dans la 
    même foulée d'un diamètre et poids inférieurs.
    Le carillon sera complété jusqu'en 1884. A la fin du siècle, 
    il comptera 21 cloches dont trois cloches de volée .
    Le 11 novembre 1918, un télégramme posté de Toulouse 
    à 14 heures, annonce l'Armistice et recommande : "Faites sonner 
    les cloches à toute volée,[] c'est la victoire du droit et de 
    la civilisation !"
    En 1934 sera ajoutée une cloche de 122 kilos, et en 1946 une autre 
    de 19 kilos provenant de la fonderie savoyarde Paccard.
    Ce carillon a été électrifié en 1966.
 La 
    restauration du carillon : l'occasion d'une grande fête
La 
    restauration du carillon : l'occasion d'une grande fête
    Dans un souci de préservation du patrimoine communal et après 
    la réfection du clocher, début 2000, la municipalité, 
    aidée de Monsieur Jouffray, expert campanaire, a établi un cahier 
    des charges pour rénover, compléter et automatiser ce carillon. 
    Le financement a été assuré grâce à des 
    subventions de la Commune, des Conseils Général et Régional, 
    mais aussi des associations, de souscriptions et d'un loto inter-associations.
    La cloche "civique" de la plus haute baie du clocher a été 
    descendue. Le carillon a reçu quatre nouvelles cloches (Sol3-La4-Ré#5-Si3). 
    Les supports de huit cloches, parmi les plus anciennes, ont été 
    revus et restaurés, les marteaux de tintement et les moteurs de volée 
    pour trois cloches remplacés.
Le nombre de 
    cloches est de vingt-six et après Pamiers, c'est le carillon le plus 
    important de la région Midi-Pyrénées. Deux octaves et 
    demi sont ainsi disponibles, un clavier piano chromatique complète 
    une automatisation qui permet de mémoriser un millier de mélodies 
    différentes dans la limite de neuf heures d'enregistrement.
    Le dimanche 9 décembre devant une foule considérable de fidèles 
    et en présence de l'archevêque de Toulouse, les quatre nouvelles 
    cloches ont été baptisées de la plus petite à 
    la plus grosse : Christ, Lauragais, Millenium, Fraternité. Les marraines 
    sont les quatre premières baptisées de l'année 2000.
    Le mardi qui a suivi la cérémonie religieuse a vu la "montée 
    des cloches". Une foule de curieux, les enfants des écoles se 
    pressaient, en début d'après-midi, autour de l'église 
    pour assister au grutage des deux grosses cloches. Après que le chef 
    de chantier ait vérifié le bon tintement de chacune d'un léger 
    coup de masse, une immense grue a hissé les deux bourdons, l'un après 
    l'autre jusque dans leur baie campanaire, sous les yeux ébahis des 
    petits et des grands.
    Le 31 décembre à minuit, la municipalité avait invité 
    la population à se rassembler sur le parvis de l'église pour 
    assister à un concert inaugural et fêter le changement de millénaire 
    d'une façon peu commune autour d'un vin chaud. Quelques minutes avant 
    le passage à l'année nouvelle, un festival d'airs religieux 
    et profanes a marqué ce moment unique : de minuit chrétien à 
    la valse n° 2 de Chostakowitch, sans oublier les airs occitans du bouië 
    et de se canto, ni les incontournables comme prendre un enfant par la main, 
    mon beau sapin, vive le vent, rien n'a manqué à l'entrée 
    en musique dans le troisième millénaire.
La continuité 
    d'un symbole
    Actuellement, les mélodies égrenées à l'heure 
    des angélus, de l'entrée et de la sortie des écoles ponctuent 
    la journée de tous les Baziègeois et renouent avec l'objectif 
    premier des clochers : rappeler à tous le temps qui passeIl ne faut 
    pas attendre d'un tel carillon une perfection musicale. Ce n'est pas la musicalité 
    qui est recherchée dans une telle restauration, mais la conservation 
    de la personnalité d'un appareil campanaire tel que l'ont connu, dans 
    le temps, les anciens Baziégeois. Ce carillon a déjà 
    son existence propre, son passé. Le but à atteindre a été 
    de lui redonner une nouvelle vie et de permettre à la population de 
    se réapproprier un outil cultuel et culturel collectif d'une importance 
    inégalée et unique dans la région.
Pierre 
    FABRE
    crédit photos : Pierre Fabre
Villefranche de Lauragais
Le clocher mur 
    de Villefranche (6 baies) a été construit au XIII° siècle 
    en 1273, lors de la fondation de la Bastide, sous Jeanne de Poitiers. Il orne 
    le bord de l'ancienne voie Romaine, actuellement RN113, comme ceux de Villenouvelle, 
    Baziège, Montgiscard, et enfin le Taur à Toulouse. Démeublé 
    de ses cloches à la révolution, il lui a fallu attendre l'an 
    2000 pour retrouver son ensemble campanaire.
    A la veille de l'installation du nouveau carillon, le clocher mur était 
    partiellement orné de 3 cloches cultuelles et en haut de la tour de 
    gauche de 3 cloches d'horloge. Toutes ces cloches étaient fixes, excepté 
    la grosse que l'on tournait les jours de grandes fêtes et qui avait 
    été électrifiée en balancement dans les années 
    70.

    Villefranche 
    de Lauragais 
Naissance du 
    projet de restauration
    Lorsque l'on regardait ce clocher, on était à la foi enthousiasmé 
    par sa beauté architecturale du XIIIème siècle, mais 
    aussi très désappointé de le voir presque entièrement 
    "démeublé". Devant les doléances incessantes 
    relatives à ces baies vides et au fait que dans les autres communes 
    du canton il y avait de beau carillons, un élan s'est créé 
    grâce au Jubilé de l'an 2000 pour acquérir les cloches 
    manquantes, mais aussi arriver à former un vrai carillon.
    La paroisse fut chargée d'acquérir les 4 cloches neuves par 
    souscription publique, et la commune fut chargée de leur installation 
    et des équipements moteurs. Les cloches furent bénites en grande 
    pompe le 29 Juin par Mgr Marcus, Archevêque de Toulouse et les volées 
    tournantes électrifiées et manuelles ainsi que le carillon électrifié, 
    inaugurés en présence de la population le Samedi matin 16 Septembre.

La sonnerie actuelle 
    
    Elle est composée d'une octave en Sol majeur augmentée d'un 
    La 4, soit 9 notes au total. Une cloche datant du XVIIème siècle, 
    le Si, a été conservée et accordée, mais elle 
    présente à l'audition un son "médiéval" 
    qui, bien que juste, est peu apprécié de la population. Les 
    6 cloches dans les baies sont en volées tournantes comme il est d'usage 
    dans le Lauragais (révolution complète, à vitesse rapide). 
    Elles sont ornées de beaux jougs de bois équilibrés. 
    Les 3 d'en bas ( Sol 3, La 3 et Si 3) sont électrifiées, les 
    autres manuelles ( Do 4, Ré 4 et Mi 4). Un Do 4 du XVI° siècle, 
    inaudible, a été déposé, sablé et sera 
    mis au fond de l'église, au "musée". Les 3 autres, 
    (Fa 4, Sol 4 et La 4) se trouvent fixes en haut de la tour gauche, suspendues 
    à un portique métallique qui supportait les cloches d'horloge.
    Actuellement le carillon est électrifié et un enregistrement 
    de 130 mélodies a été mémorisé. L'angelus 
    traditionnel toulousain, tinté avec rythmes, "répics" 
    et sonnerie des 3 coups au milieu, a été repris ; mais il est 
    illustré en amont et en aval de deux cantiques différents en 
    fonction des périodes liturgiques de l'année. Ces deux cantiques 
    d'encadrement changent le midi et le soir et toutes les semaines, de sorte 
    qu'il a fallu mettre en oeuvre une programmation minutieuse.
Pour le plaisir 
    de tous
    La population, la Paroisse et la Commune sont enchantées du résultat 
    et le spectacle est garanti chaque dimanche ou pour les fêtes lorsque 
    les volées tournantes animent de façon royale ce beau clocher. 
    Le vendredi, jour de grand marché, le carillon est joué vers 
    les 9 heures du matin, et parfois pour illustrer un jour exceptionnel, deux 
    volées sont mises en branle. La RN 113 étant une voie très 
    passagère, nombreux sont les touristes ébahis qui regardent 
    les volées en argumentant le fait qu'ils n'avaient jamais vu des cloches 
    tourner et qu'ils trouvent cela fantastique. Quant aux habitants des campagnes 
    du Lauragais, ils disent : "Enfin, les cloches à Villefranche 
    sonnent à nouveau normalement, elles tournent !"
    Très fiers de leur clocher rénové, les habitants de Villefranche 
    parlent déjà du remplacement du Si et pourquoi pas de rajouter 
    des notes en haut de la tour, sur le portique, où la place ne manque 
    pas
  
Jean 
    Marc ESPITALIER
    crédit photos : photo Andrieu - Villefranche
    
  
     Couleur 
    Lauragais N°32 - mai 2001