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Couleur Lauragais : les journaux

Au fil de l'eau

Histoire des plantations de la Rigole de la Plaine

La Rigole de la Plaine est une des pièces principales de l'oeuvre de Pierre Paul Riquet. Située au coeur de Lauragais, elle a contribué pendant plus de trois siècles à porter la vie au canal : l'eau. Albin Bousquet nous explique quelles plantations se sont succédées au cours des ans, le long de la Rigole.



Cette Rigole suit une très légère pente, au pied des petites collines qui forment la limite naturelle des versants (océanique et méditerranéen). Elle fut creusée à travers cette région, certes défrichée, mais fournie de larges haies et de bois dispersés. Les plantations de cette rigole s'inscrivent dans le passé de celles du canal du Midi, bien que les débuts furent quelques peu différents. A cause d'une emprise moins importante des francs-bords de la rigole, la location des ces derniers tenta peu de riverains. Dès le creusement de la cuvette, les végétaux colonisèrent les déblais. Le vent porta les graines des mauvaises herbes, mais aussi celles des arbres, peupliers, trembles et érables, très présents dans ce que les paysans appelèrent plus tard « les rendures ».

Ce premier boisement naturel semble avoir été le seul pendant plusieurs décennies. On s'occupa très peu des plantations au début ; les soucis étaient ail-leurs. Il fallait consolider les rives, enlever des éboulements, pallier aux crues des rivières, construire des magasins, des aqueducs...! L'industrie de la soie, produit des vers à soie au XVIIème siècle, engendra la « folie des mûriers », c'est à dire la production des feuilles de mûrier, pour alimenter les magnaneries. Des mûriers furent plantés dens le Lauragais et sur presque toute la longueur du Canal. Sur la rigole de la Plaine le mûrier y fut peu introduit, sans doute à cause d'un boisement naturel important. La plantation de mûriers sur le Canal se solda par un échec économique total. Sur les francs-bords de la Rigole de la Plaine, le peuplier s'était fortement développé. Cette essence à croissance rapide présentait un intérêt économique certain. Deux mille peupliers furent cependant abattus à Naurouze en 1710 alors que le cours du bois ne cessait de s'affirmer. Mais le peuplier de « pays » à cette époque, très exigeant en eau demandait à être planté sur la rive même de la voie d'eau ; ce qui représentait une gêne pour le tirage des barques. D'autres essences, mieux adaptées eurent la préférence.

Pour répondre à l'essor de boisement qui allait s'étendre à partir de 1730, deux méthodes de boisement furent utilisées : le long du Canal et de la Grande Rigole (le tout étant dans la plaine), on planta de jeunes arbres issus de pépinières. Et dans la montagne, sur la Rigole et à Saint Ferréol, on développa le semi à demeure ; cette dernière méthode nécessita le défrichement du sol. Les travaux furent réalisés à l'aide d'une houe à la forme particulière créée pour la circonstance (collection d'outils à Saint Ferréol). Selon un tableau récapitulatif établi en 1790, plus de 17 hectares avaient été défrichés et ensemencés vers la fin de ce siècle. La Rigole de la Plaine reçut une plus grande variété d'arbres. Une pépinière établie à Revel non loin du pont de la route de Vaudreuille permit de produire 1069 frênes, 102 ormes, 318 noyers, 50 platanes, 96 cerisiers et plus de 11000 chênes. On planta des chênes verts, des chênes d'Amérique, des tulipiers de Virginie et même un essai fut tenté avec du hêtre, au Pont vieux de Saint Paulet.

Sur les vingt derniers kilomètres de la Rigole, avant Naurouze, l'orme fut massivement planté sur la rive droite. Cette essence a dominé dans cette partie pendant plus de cent cinquante ans. Les derniers sujets furent abattus sur la commune de Saint Paulet au moment où commencèrent à apparaître les symptômes de la maladie de l'orme dans cette partie du Lauragais.

A partir de Revel, sur les premiers vingt kilomètres, ce sont les résineux qui dominent avec les variétés : Sylvestre, Laricio, maritimes en mélange avec le chêne. Cette dernière essence est présente en Lauragais depuis les temps reculés malgré les atteintes d'un ravageur endémique, le capricorne. Des pièces de chêne très anciennes de la halle de Revel portent ses marquent. A l'extrémité de la Rigole de Naurouze, c'est toute la magnificence des platanes qui apporte une note de fraîcheur sur ce seuil vaincu par Pierre Paul Riquet. Et aussi, à proximité de Revel. A l'Emmarse, les platanes de la Rigole s'imposent dans le paysage. A cet endroit, l'anse de la Rigole est en surplomb du carrefour des routes Castelnaudary - Toulouse. Elle fut taillée dans un ancien bois autrefois rattaché à la forêt de Vauré qui recouvrait la plaine. Sur la Rigole de la Plaine, on peut citer des platanes de gros calibre, plantés pour agrémenter les abords des maisons de la Rigole, à Laudot, à Labadorque ; sans oublier le plus jeune platane du pont de Riat (voir arrière plan droit, photo du pont du Riat, page précedente) à Revel planté là en 1919 pour porter son ombre sur le lavoir le plus utilisé à cette époque par les lavandières de Revel.

Albin Bousquet

Vient de paraître : "La faune en Mon-tagne Noire", chroniques de la vie sauvage 1850-1950 - Albin Bousquet disponible à Revel à l'Office de Tourisme et dans les librairies.



Couleur Lauragais N°16 - Octobre 1999