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Couleur Lauragais : les journaux

Au fil de l'eau

" Naurouze, l'idée de génie... "

Naurouze est un lieu géographique marquant. Le Col de Naurouze à 201 mètres d'altitude est le point culminant sur l'important axe de communication : autoroute "Des Deux Mers" (A-1, voie ferrée Bordeaux- Marseille, route nationale N-113, le Canal du Midi). Il se situe au coeur du Lauragais et relie le Haut-Languedoc vers Toulouse et l'océan Atlantique, et le Bas-Languedoc vers Carcassonne et la mer Méditerranée.


Naurouze est un site historique remarquable. Dominant d'une centaine de mètres le très vieux village de Montferrand, il peut s'enorguellir de posséder un passé vieux de plus de deux millénaires, puisque l'homme l'aurait occupé au néolithique. Mais son importance nait avec la période gallo-romaine, 75 ans avant J.C.; il s'appelait alors Elusiodunum sur la "Via Aquitania".

Naurouze est un endroit mythique et énigmatique. Ce qui était un obstacle dans la construction de cette voie d'eau, imaginée depuis des temps les plus anciens pour relier "les mers océane et méditerranée", est devenu solution. En effet, grâce à Pierre-Paul Riquet, qui découvrit en cet endroit précis, le point le plus haut entre Garonne et Narbonne (là où devait aboutir le Canal à l'origine). Une fontaine, dite de la Grave, dont l'eau jaillissante coulait à la fois vers les bassins versant de l'Atlantique et de la Méditerranée, se trouvait sur ce lieu de Naurouze.

L'idée de génie de Pierre-Paul Riquet, devenu homme du pays (il habitait Revel en cette période 1647-1660), fut d'amener les eaux de la Montagne Noire, découvertes avec l'aide efficace du fontainier revélois Pierre Campmas, sur ce seuil de Naurouze, pour alimenter son Canal. Le tout se situant au pied des légendaires et mystiques "Pierres de Naurouze".
Pour rendre un monumental hommage à Pierre-Paul Riquet, ses descendants ont érigé en 1825 une obélisque de 60 pieds de haut (20 mètres). L'histoire de ce monument, visible de très loin, fait de ce lieu un site touristique remarquable, qui fera l'objet d'un prochain article dans ces mêmes colonnes.

Voyons simplement aujourd'hui l'aspect technique du point de partage des eaux, alimentant le Canal du Midi.

Rappelons que c'est au mois d'octobre 1665, que la "Rigole d'Essai" de Pierre-Paul Riquet apporte la preuve à la commission d'experts désignés par le Roi, que les eaux abondantes de la Montagne Noire canalisées dans les rigoles, arrivent bien à Naurouze. L'Edit de Louis XIV du mois d'octobre 1666, ordonne la construction du "CANAL ROYAL DE LANGUEDOC". Dès ce moment là, le roi confie à Pierre-Paul Riquet, par adjudication, la première partie des travaux du Canal de Toulouse à Naurouze et des rigoles d'alimentation. Les chantiers de construction commencèrent au début de l'année 1667 (le 1er février pour le barrage-réservoir de Saint-Ferréol). La première navigation sur la rigole de la Plaine, entre Revel et Naurouze a lieu dès 1668, pour le transport des matériaux. Deux ports sont creusés et aménagés pour assurer ce trafic : le port Saint-Louis à Revel (aujourd'hui Moulin du Roy), et le Bassin de Naurouze. Ce dernier était également prévu comme réservoir de régulation de l'alimentation. Terminé en 1671, ce vaste plan d'eau est de forme pratiquement octogonale de 200 toises de longueur (400 mètres), sur 150 toises de largeur (300 mètres), pour une profondeur de 7 à 8 pieds (2,50 mètres).

Pierre-Paul Riquet avait envisagé de faire bâtir une ville autour de ce bassin, avec des pavillons sur le modèle approximatif de la Place Royale à Paris. Prévus également la construction d'une paroisse, d'un arsenal et d'un magasin pour les bateaux. Il avait même projeté de placer au milieu du plan d'eau, une immense sculpture représentant "l'effigie du Roy", dans un char tiré par des chevaux. Tous ces projets grandioses ne furent jamais mis à exécution.

D'autant que très rapidement ce bassin sera en grande partie comblé par les sables et alluvions amenés par les eaux de la rigole. Il sera définitivement abandonné en 1750. Une rigole sera creusée sur son pourtour, pour l'arrivée des eaux dans le bief (portion de canal entre deux écluses) de partage, à l'altitude de 189 mètres.
Les bateaux du canal ne rentreront plus dans le bassin-port, une dérivation de celui-ci sera creusée à l'extérieur entre les écluses de l'Océan et de la Méditerranée.

La rigole apporte annuellement environ 25 millions de mètres cubes d'eau, qui représentent les besoins de la navigation et de l'irrigation, tout en compensant les pertes naturelles dûes à l'évaporation et aux infiltrations. La plus grande partie de ces eaux, environ 18 millions de m3 prennent la direction de la Méditerranée. A savoir que le Canal est aussi alimenté en partie, par des prises d'eau dans l'Aude, l'Orbiel, la Cesse et l'Orb, avant de déboucher dans l'étang de Thau. Un déversoir de trop-plein du bassin se jette dans la rivière Fresquel qui coule vers le Carcassonnais.

Aujourd'hui, à la demande, une importante quantité d'eau peut arriver à Naurouze, par une conduite forcée, venant du barrage de l'Estrade, situé à quelques kilomètres au Sud-Ouest, dans la vallée de la Ganguise et de l'Hers.


J. BATIGNE


Couleur Lauragais N°11 - Avril
1999