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Couleur Lauragais : les journaux

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" Sabotier en Lauragais"

Couleur Lauragais rencontre aujourd'hui un sabotier du Lauragais, aujourd'hui à la retraite. Votre journal vous fait revivre ce métier ancestral au travers de Louis Bennaval qui exerçait autrefois sur la commune de Caraman. Il ouvre son atelier aux lecteurs de Couleur Lauragais.

Travail à l'intérieur du sabot
(crédit photo : J-M Faget)
Louis Bennaval a aujourd'hui 77 ans. Il a commencé à travailler à l'âge de 14 ans, initié par son père au métier de sabotier. A cette époque, il y avait un sabotier dans chaque village. On façonnait 3 à 4 paires de sabots à la main par jour ; aussi, pour répondre à la demande importante de l'époque, le père de Jean avait acheté deux machines lui permettant de fabriquer une soixantaine de paires par jour. Il racontait que pendant la guerre 14-18, des wagons entiers de sabots partaient vers le front pour équiper les soldats. En 1952, il cède ses machines pour se reconvertir dans la vente de chaussures qui remplacent petit à petit les sabots. Pendant de nombreuses années, Louis a ainsi sillonné avec son père les foires de la région, Cahors, Albi, Carcassonne...


Aujourd'hui, Louis façonne les sabots à la main pour son plaisir et nous dévoile son savoir-faire.
La particularité du métier de sabotier est de travailler le bois vert, contrairement au menuisier qui ne peut utiliser que du bois bien sec pour fabriquer des meubles. Louis travaille principalement six bois différents : le cerisier, le hêtre, le platane, l'ormeau, le noyer et le peuplier. Chacun a sa spécificité : le noyer est le plus joli avec sa teinte très foncée, le hêtre le plus clair, le platane, le noyer et l'ormeau les plus solides. En général, le sabotier utilise le bois disponible localement.

La fabrication d'une paire dure environ 2 heures. Louis joint le geste à la parole pour nous montrer comment il la fabrique. Il choisit d'abord une bûche de bois suffisamment grosse. Il commence par façonner à la hache ce bloc massif en faisant sauter des copeaux pour modeler la forme. Il utilise ensuite un parroir, sorte de grande lame qui sert à ciseler le bois et à lui donner sa forme extérieure. Louis se rappelle que son père lui disait : " une des règles du métier, pour un bon sabotier, est de savoir façonner son sabot avec un maximum de 13 coups de parroir ". Louis vérifie régulièrement avec un compas la largeur du sabot afin que les deux pièces d'une même paire correspondent parfaitement.

Il utilise ensuite successivement trois outils de taille et de forme différentes (la cuillère, le butoir et la rouanne). Chacun a une fonction bien particulière pour creuser l'intérieur du sabot. La moindre erreur de manipulation, la moindre déviation du poignet et le sabot est inutilisable. La taille est déterminée par la longueur intérieure. Une pointure 41 correspond ainsi à un sabot de 27 cm intérieur et un 42 à 28 cm.

Il faut ensuite 15 jours à 3 semaines pour que le bois sèche et que le sabot prenne sa forme définitive. C'est une étape délicate car le bois a souvent tendance à rétrécir et peut perdre jusqu'à 1 cm en longueur ou en largeur. Il peut également se fendiller durant la période de séchage. Il faut alors boucher les fentes avec du mastic ou de la colle.

La touche finale est donnée grâce à un petit outil qui porte le joli nom de rainette. Elle sert à réaliser les gravures qui vont constituer l'ornement du sabot. Le geste doit être très précis pour que les décorations sur les deux éléments soient assorties. Pour terminer, les sabots sont vernis.
Reste à poser les accessoires ; notamment, la bride en cuir qui sert à le tenir au pied. Sous le sabot, on place souvent un fer, un caoutchouc ou des clous pour en prolonger l'usage.

Le bout pointu, explique Louis, servait à curer le dessous lorsque ceux-ci étaient tout crottés de boue, ce qui était fréquent à la campagne par temps de pluie. Le sabot construit pour le pied masculin est souvent plus fermé que celui de la femme et sa décoration est plus sommaire.

Taille au parloir
(crédit photo : J-M Faget)

Une paire de sabots pèse environ 2 kg. Les modèles sont souvent différents en fonction de la région de fabrication mais aussi du métier de son propriétaire. Ceux des vignerons par exemple ont, sur le dessus, un large morceau de cuir qui enveloppe la cheville. Ils se portent avec de la paille et des chaussettes de laine. Les sabots ariégeois ont cette forme bien connue avec une pointe en bois qui remonte de plusieurs dizaines de centimètres et qui se portaient le dimanche et les jours de fête.
Contrairement à ce que l'on peut croire, un sabot est relativement fragile. Une paire dure rarement plus de 3 à 4 mois et se casse souvent lors d'un choc un peu rude.

Aujourd'hui, dans les jardins, les bottes en caoutchouc ont remplacé les sabots. Mais, s'il vous prend l'envie de perpétuer la tradition, mettez une paire des sabots pareils à ceux que façonne Louis Bennaval au pied de votre sapin. Le père Noël y déposera des cadeaux pendant la nuit du 24 décembre et vous aurez la joie de les découvrir à votre réveil.


JM. Faget - P. Rassat

Couleur Lauragais N°8 - Décembre 1998/Janvier 1999