Gâteau de ménage de Carnaval (XIIème siècle)

"Las cocos d'oustal"


Ces gâteaux faits maison datent du XIIème siècle, un peu avant la Croisade contre les Albigeois, guerre de conquête entreprise pour soumettre le Midi, dès 1209.
Les Dames Nobles cathares en servaient aux Troubadours dans leurs nids d'aigle où on n'observait ni jeûne, ni pénitence imposés par l'église. La tradition s'est perpétuée dans nos campagnes pour le Carnaval (*).

Quelques jours avant le Mardi Gras, après les célébrations religieuses de la Chandeleur (Nostro Damo de la Candilièro), la période grasse commençait. Dans les foyers, on en profitait pour consommer viande, graisse, pâtisseries coutumières avant la période de 46 jours de pénitence s'étendant du mercredi des Cendres (Carême Prenant) à Pâques. Dans les maisons, les ménagères s'affairaient à préparer les "cocos" : crêpes (pescajous), beignets minces et mous que l'on plié en quatre, et oreillettes (aoureillétos), beignets plats, craquants et boursoufflés, en forme d'oreilles.
Ces deux variétés de beignets de campagne nécessitaient de la dextérité, de la farine de froment, des (6 à 8 par livre), de l'eau de fleur d'oranger, du rhum et un zeste de citron, de l'huile ou du beurre. La pâte fluide des crêpes était laissée au repos dans la grésalo (bassine en terre d'Issel vernissée), recouverte d'un torchon.

La pâte compacte des oreillettes était étirée au rouleau puis à la main. Le secret de la réussite de ces beignets occitans résidait dans leur minceur. On les faisait frire à la poële (la padéno), sans les colorer puis on les saupoudrait de sucre fin. Était bien pauvre celui qui ne se régalait pas de ces galettes de Carnaval.

Us et coutumes : par allégeance, les métayères apportaient des crêpes dans une desquéto (petite corbeille) recouverte d'un linge blanc à la maison du propriétaire de leur exploitation, le Mestré. Ce sens du partage de nos ruraux témoignait de la bonne entente qui régnait entre propriétaires terriens et paysans. Certaines familles restaient toute leur vie dans la même métairie par "bail à locatairerie perpétuelle".

Proverbe occitan relatif aux pescajous : "Lé qué fa dé pescajous per Sant Trantusso tout lé lounc de l'annado se palusso" ("qui ne fait rien, n'a rien" ou, mot à mot, "Celui qui fait des crêpes le jour de St Trantusso -Saint imaginaire- se balancera comme un ours attendant sa nourriture).

Odette BEDOS